Énergie : ce que proposent les candidats pour réduire la fracture

FRACTURES. Les candidats en lice pour la fonction suprême ne sont pas passés à côté de l’enjeu majeur des prochaines décennies : comment approvisionner de manière fiable, durable et socialement acceptable la France en énergie ? Voici les principales propositions des candidats.

Cet article fait partie de la série Fractures, disponible en suivant ce lien

En 2022, la préoccupation majeure des Français est le pouvoir d’achat, grevé par la très forte hausse des prix de l’électricité, de l’essence ou du gaz. Parallèlement, la nécessité de mener la transition énergétique n’a jamais été si pressante, l’ambition étant d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Tous les candidats à l’élection présidentielle vont donc devoir allier urgence écologique et mesures sociales. En première ligne : les transports, notamment individuels, responsables de plus de la moitié des émissions du premier secteur d’émission de carbone de France, et le logement, qui pourrait être beaucoup beaucoup plus massivement rénové. 

Près de 40 millions de véhicules sont aujourd’hui en circulation, dont presque 1 million de voitures hybrides ou électriques. Un coût élevé et une production ralentie par la crise sanitaire représentent un frein au développement de la voiture sans émissions à l’utilisation. Dans cette optique, le candidat communiste Fabien Roussel propose une prime à la conversion pouvant atteindre 10 000€. Pour un véhicule électrique neuf, elle est fixée aujourd’hui à 6000€ maximum. Anne Hidalgo, la candidate du PS, veut développer le « leasing social » pour louer moins cher les véhicules propres et Jean-Luc Mélenchon (LFI) souhaite « des parcs de véhicules à faibles émissions pour les ménages à faibles revenus ». Yannick Jadot (EELV) en 2030, Valérie Pécresse (LR) pour 2035. Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France), souhaite seulement remplacer les 10 millions de véhicules les plus polluants avec un nouveau bonus-malus. Seules Anne Hidalgo et Valérie Pécresse parlent de déployer des bornes de recharge pour réduire la fracture géographique. La candidate socialiste en veut un million supplémentaire, il y en a 53 000 pour le moment en métropole

Enfin, de nombreux candidats veulent une régulation des prix des énergies actuelles. Marine Le Pen (RN), Nicolas Dupont-Aignan et Anne Hidalgo veulent baisser la TVA sur les carburants. Nathalie Arthaud (LO) la réserverait aux « travailleurs ». Yannick Jadot et Fabien Roussel veulent augmenter le chèque énergie, respectivement à 400 et 700 €. Eric Zemmour (Reconquête), souhaite la participation des entreprises au remboursement des frais de déplacement des salariés « dans la limite de 40 € par mois et s’il n’existe pas d’alternative de transports en commun ».

Rénovation énergétique : la priorité

Autre enjeu : le logement. Un Français sur cinq déclarait avoir souffert du froid au cours de l’hiver 2020 et le parc résidentiel représente 20 % des émissions de CO2 de la France. La cause principale réside dans la mauvaise isolation des bâtiments. Seulement 6,6 % des logements du pays sont classés basse consommation. Or, il est inscrit dans la loi l’objectif, d’ici 2050, que tous les logements soient classés au moins B. Le chantier est donc colossal. 5 millions de logements sont des passoires thermiques (classe F et G). Ils seront complètement interdits en 2028. 

Mais il y a un an, une mission d’information parlementaire sur la rénovation thermique des bâtiments alertait : « Il y a une inadéquation entre des objectifs très ambitieux et les moyens mis en œuvre pour les atteindre. (…), Le rythme est trop lent », alertait son président. Une série de dispositifs d’aides, à commencer par MaPrimeRénov, est mise en place pour inciter les ménages à rénover leur logement. 

Valérie Pécresse souhaite doubler le rythme actuel de rénovation énergétique des logements des Français en mobilisant les fonds issus de la création d’un Livret Vert pour que la Caisse des dépôts finance davantage de projets. Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot veulent interdire les passoires thermiques. Le premier souhaite privilégier les rénovations complètes, renforcer les programmes de détection de ces logements et cibler les aides à la rénovation en fonction des revenus des ménages. Pour le second, les passoires thermiques seront « rénovées complètement en 10 ans » grâce à l’avance complète des travaux pour les ménages modestes et l’obligation de rénovation des locations. Le candidat écologiste veut créer un vaste service public décentralisé chargé de mettre en œuvre un plan massif de rénovation de 10 milliards d’euros par an pour atteindre une réduction de 50 % de la consommation d’énergie. Anne Hidalgo évoque un grand plan pluriannuel basé sur un nouveau dispositif : aucun frais à avancer au moment des travaux, mais un remboursement qui interviendra au moment de la revente ou de la succession. Fabien Roussel s’engage lui à une rénovation de 700 000 logements par an.

Des fractures sur la fission 

En annonçant le 9 novembre dernier la relance du nucléaire français, Emmanuel Macron a obligé ses futurs adversaires à dévoiler leurs cartes. Le chef de l’État souhaite construire six nouveaux EPR, dont le premier devrait être mis en service en 2035, afin d’assurer une stratégie de décarbonation où l’atome représenterait 50% du mix énergétique, à égalité avec les énergies renouvelables, à l’horizon 2050.

Chez ses concurrents, le sujet a créé une nouvelle ligne de fracture. À gauche, Yannick Jadot confirme sa volonté de sortir du nucléaire au plus vite en visant le 100% d’énergies renouvelables d’ici 2050. Jean-Luc Mélenchon espère une sortie totale de l’atome prévue dès 2045. Le leader de la France Insoumise veut aussi réhabiliter tous les sites nucléaires avec une garantie à l’emploi pour tous les salariés. Face à ces deux projets de sortie définitive du nucléaire, Anne Hidalgo s’est montrée plus mesurée. La maire de Paris voit le nucléaire comme une « énergie de transition », sans construction de nouveaux réacteurs, mais sans sortie précipitée non plus.

Une posture à l’opposée de celle des candidats positionnés plus à droite sur l’échiquier politique. Que ce soit Jean Lassalle, Valérie Pécresse, Marine Le Pen ou Eric Zemmour, tous ont affirmé leur volonté de relancer le nucléaire français. La candidate LR voudrait ainsi stopper le plan de fermeture des 12 réacteurs supplémentaires, lancer en parallèle la construction de 6 EPR, dont 4 effectifs d’ici 2035, et faire reconnaître le nucléaire comme énergie verte par la Commission européenne. Eric Zemmour souhaiterait la construction de 14 EPR d’ici 2050 tout en prolongeant la durée de vie des centrales à plus de 60 ans. De son côté, Marine Le Pen entend investir dans l’hydrogène, en plus du nucléaire. 

Vent de face ou vent dans le dos pour l’éolien

Souvent opposée au nucléaire, l’énergie éolienne a fait irruption dans le débat politique, principalement pour ce qui serait une faible productivité, ainsi que pour son impact sur le paysage et celui, supposé, sur la nature et les fonds marins. Nombre de candidats se sont donc positionnés pour ou contre cette énergie. 

Dans le détail, à droite, Nicolas Dupont Aignan, Eric Zemmour, Jean Lassalle et  Marine Le Pen sont pour une interdiction des éoliennes, dénonçant pêle-mêle le caractère intermittent des éoliennes (que le Syndicat des Énergies Renouvelables préfère décrire comme « variable »), son impact sur le paysage et sur la biodiversité. La candidate du Rassemblement National propose même de « rendre aux ménages les 5 milliards de subventions versées notamment aux éoliennes » et de « démanteler progressivement les parcs existants », Eric Zemmour souhaite rediriger le budget éolien et solaire vers la géothermie. Valérie Pécresse, plus modérée, souhaite quant à elle établir des zones d’interdiction d’implantation d’éoliennes.

La gauche défend les éoliennes, la plupart des candidats, de Jean-Luc Mélenchon à Anne Hidalgo, souhaitant leur développement. L’insoumis a d’ailleurs rappelé en janvier l’importance du progrès technologique dans les éoliennes, réputées de plus en plus productives, et souhaite multiplier les investissements dans l’éolien en mer. Sur France Bleu Armorique, Fabien Roussel, s’est montré plus nuancé, déclarant vouloir s’appuyer sur l’éolien, sans pour autant « en rajouter », là où il y en avait déjà. Il s’est opposé au projet de parc éolien en baie de Saint-Brieuc. 

Des débats qui se renouvellent sans cesse

Là où le vent lève les désaccords, l’énergie solaire suscite moins de dissensions, ses rares détracteurs, de droite et d’extrême droite, se focalisant surtout sur la production photovoltaïque, dont Jean Lassalle propose « de vérifier sa viabilité et sa rentabilité », avant de lui garantir des subventions. Pour ce qui est des « EnR » dans leur globalité, l’ensemble des candidat.e.s positionné.e.s à gauche visent un mix énergétique porté à « 100% d’énergies renouvelables, aussi rapidement qu’il sera possible de le faire », avance Anne Hidalgo. 

De tous bords, les propositions pour se différencier fusent : pour Eric Zemmour, l’accent est mis sur l’hydraulique et la géothermie, notamment via les pompes à chaleur, tout comme pour Marine Le Pen, engagée contre les « énergies intermittentes ». Yannick Jadot propose « 340 km² de panneaux solaires supplémentaires d’ici 2027 », quand Emmanuel Macron souhaite que soient installés 100 gigawatts (GW) de capacités solaires en 2050 (contre 12,4 GW à ce jour). 
En plus de l’installation de « centrales solaires », Jean Lassalle demande également de « développer l’énergie de la mer [en exploitant] l’atout précieux que constitue notre façade maritime ». Jean-Luc Mélenchon opte pour le recours « aux sources d’énergie les plus adaptées aux conditions météorologiques et géographiques ». Dans tous les cas, si l’on suit les scénarios de RTE pour 2050, les « EnR » devront continuer de se développer sur le territoire français au cours du prochain mandat présidentiel.

Valentin Baudry – Paul Mandin – Victor Missistrano – Léopold Picot – Baptiste Thomas

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