David, marathonien du militantisme

EN CAMPAGNE. Après quinze ans d’activisme syndical, David s’est engagé à La France insoumise en 2017. Ce professeur d’électrotechnique met son sens de l’organisation au service du groupe d’action de Saint-Mammès, au sud de la Seine-et-Marne, qu’il anime depuis cinq ans. Même dans un contexte morose pour la gauche, David n’est pas du genre à faillir à ses engagements. Alors, pendant cette campagne, il s’applique à faire le boulot que personne ne veut faire : organiser les réunions, relancer les militants… En espérant motiver ses troupes. 

Cet article fait partie de la série En Campagne, disponible en suivant ce lien.

Une affiche rouge « Union Populaire » entre deux portraits de Jean-Luc Mélenchon, et après une violette pour « l’harmonie des couleurs ». David, 47 ans, colle méticuleusement sur les panneaux d’affichage officiels ou sur les « transfos » le long de la départementale. À ses côtés, Christophe, pull marron et petites lunettes rondes, plaque les affiches à toute vitesse sans vraiment faire attention. Il enchaîne les blagues pour nous divertir. David laisse faire, au fond ça n’est pas si grave. L’ambiance est à la rigolade.

Il fait un temps magnifique pour un mois de février, David a sorti ses lunettes de soleil réfléchissantes, qui cachent un piercing au sourcil droit. « Non pas comme ça, lâche-t-il quand même au bout d’un moment. Laisse de la place pour l’autre affiche ». Et Christophe du tac au tac : « Vous voyez, on est comme un vieux couple ».

Ces deux-là collent régulièrement ensemble le mercredi après-midi. Ils ont rejoint le groupe d’action de La France insoumise de Saint-Mammès au moment de la campagne de 2017. David en est aujourd’hui le co-animateur. Théoriquement, ils couvrent la troisième circonscription électorale de Seine-et-Marne. De Mormant, au nord, jusqu’à Moret-sur-Loing, au sud, la circonscription est l’une des plus grandes du 77.

Alors à deux seulement, ils se concentrent sur leur coin. Et font toujours le même tour depuis Thomery jusqu’à Moret, en descendant le long de la Seine, puis du Loing. C’est le côté urbanisé de la circonscription, relié à Paris par le train en 50 minutes. Les deux hommes s’activent, sortent la colle du coffre. Ils l’achètent eux-mêmes au magasin. Ils pourraient en avoir gratuitement fournie par le mouvement, mais il faudrait aller la chercher au nord du département, à 40 kilomètres. 

La campagne démarre

Sur les routes bordées de maisons en crépis gris ou beiges, on aperçoit beaucoup d’affiches LFI et une ou deux du communiste Fabien Roussel. Allié à Jean-Luc Mélenchon en 2012 et en 2017, le PCF a décidé de présenter son propre candidat cette année. Les deux militants insoumis sont un peu embêtés au moment de recouvrir les affiches de l’ancien allié. « On avait un deal implicite avec eux, on laissait toujours une affiche, explique Christophe, mais, depuis peu, ils nous recouvrent entièrement, alors on fait pareil ».

Malgré un rythme sportif, il leur faut deux heures pour finir le tour. Ils repassent devant un point de collage sur la route du retour quand : « Ah les salauds ! ». À peine collées, deux affiches ont été arrachées. « C’est la campagne qui débute, fait valoir David avant de recoller. À partir de maintenant, il va falloir se balader avec du matériel dans le coffre constamment. Et recoller dès qu’on peut ».

Contrairement à Christophe, ce prof d’électrotechnique ne vient pas d’une famille communiste. « Chez nous, c’était la messe le dimanche, et ‘aidez-vous les uns les autres’, se souvient-il mais surtout entre blancs de bonne famille… ». Avec un père « de droite catho-réac », sa sœur et lui se sont construits en opposition. « Même si elle n’est pas forcément insoumise, on a tous les deux les valeurs de gauche chevillées au corps ». Lui enseignant en BTS, elle infirmière libérale, tous deux exercent des métiers du lien.

Premier poste, première décharge

Ses convictions politiques ne se sont formées ni en famille, ni pendant ses études, mais au travail. Après avoir abandonné un projet de thèse, il devient prof : « Je savais que je voulais me syndiquer, mais je ne savais pas pourquoi ». Il va vers le syndicat majoritaire, en manque de bras, et voilà David représentant du SNES-FSU (Syndicat national des enseignants du secondaire). Premier poste, première décharge syndicale. « Alors tu lis, tu te documentes, et tu t’éveilles à une conscience politique. »

Ce qu’il a appris en quinze ans de militantisme syndical, il l’applique aujourd’hui à La France insoumise. En 2017, David rejoint le groupe d’action de Saint-Mammès, et fait campagne. L’échec de Jean-Luc Mélenchon aux portes du second tour est un coup sur la tête du coordinateur de l’époque, qui disparaît des radars. Alors David reprend le flambeau. Pas question de laisser tomber : chez lui, l’engagement est un principe.

Il préfère se concentrer sur le concret, que de rêver à une victoire de Jean-Luc Mélenchon en 2022. « Je ne suis pas très utopiste naturellement, explique le militant. Ça doit être lié à mes études, je ne m’emballe pas. » Mais pas question de se décourager, même dans un département acquis à la droite, il faut se mobiliser. Justement ce soir, c’est jour de réunion à Écuelles dans une salle municipale.

« Il faut s’écouter »

Ceux qui veulent s’exprimer font un signe à Murielle, qui note et distribue la parole « pour décharger David ». Les nouvelles recrues et les anciens de 2017 apprennent à s’apprivoiser. Les derniers arrivés sont enthousiastes mais rapidement les débats s’enflamment. « On n’interrompt pas un camarade qui parle », grommèle Monique. David attend patiemment son tour de parole. Sans hausser le ton, il prévient : s’ils continuent à se couper la parole, il ne reviendra plus, il en a marre. « S’il y a bien un truc que j’ai appris par le militantisme, c’est qu’il faut s’écouter », confie-t-il après la réunion.

Alors que Jean-Marc digresse sur la social-démocratie et sur le Parti communiste français dans lequel il « ne se retrouve plus », David doit rappeler le point à l’ordre du jour : le journal militant. Faut-il en imprimer 1 000 ou 2 000 exemplaires ? Qui s’engage à les distribuer ? « Jean-Marc a le don d’emmener les débats où il veut aller, sans que personne ne s’en aperçoive », glisse David avec bienveillance. Il commence à bien connaître l’ancien militant communiste. Jean-Marc, c’est un peu le père politique qu’il n’a jamais eu. Le septuagénaire est le plus combatif de la bande et parle des « transfos » recouverts comme de « prises de guerre ». La dernière en date : celle à côté du McDo, dont ils sont particulièrement fiers. « Si on l’écoutait, on collerait partout », s’amuse David. 

Le prochain objectif du groupe, c’est l’organisation d’une réunion publique en présence d’une ou plusieurs « têtes d’affiche » de La France insoumise. Mais sans nouvelle « du national », David, dont l’organisation est une seconde nature, commence à s’inquiéter. 

Militer jusque dans sa famille

Si le militantisme lui prend plusieurs heures par semaine, il a aussi de quoi s’occuper à la maison. Il vit à Montigny-sur-Loing avec Mandy, sa compagne depuis quatre ans. Elle a grandi en Allemagne de l’Est, sous la dictature communiste. Aujourd’hui, elle est prof d’allemand au collège. La famille recomposée loue une maison avec jardin qui accueille les deux enfants de Mandy, le plus jeune fils de David, un ami hébergé pour quelque temps, ainsi que deux chiens. C’est là qu’il nous reçoit pour le café.

David a tenu à donner à ses deux fils une éducation bien différente de la sienne, et les a élevés « dans les valeurs de gauche ». C’est le choc quand son aîné, en stage en métallerie, lui annonce qu’il veut voter pour le Rassemblement national : « Ça nous a hérissé le poil avec sa mère ». C’est alors que Mandy intervient dans la discussion : « Si on parle avec lui un peu plus profondément, on voit qu’il est pas du tout de droite, assure-t-elle. Il est fier de son pays mais ce n’est pas quelqu’un de raciste. Il est très humain et son cœur est au bon endroit, à gauche ». Après quelques discussions, ses parents réussissent à le convaincre. Mais pour combien de temps ?

Marine Cardot

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s