De petite main à élu communiste, l’ascension de Nicolas Bonnet Oulaldj

EN CAMPAGNE. Issu d’une famille périgourdine peu politisée, rien ne destinait Nicolas Bonnet Oulaldj à devenir élu communiste de Paris. Le quadragénaire raconte son ascension politique.

Cet article fait partie de la série En Campagne, disponible en suivant ce lien.

Des affiches de la « Fête de l’Huma » ont beau fleurir les murs de son appartement du XIIème arrondissement parisien, l’affiliation de Nicolas Bonnet Oulaldj au Parti communiste n’a rien d’une évidence. Et qu’importe si le président du groupe communiste au Conseil de Paris vient d’une Dordogne rouge. « Je milite depuis 1993. Mais à l’époque, je me mobilisais contre la précarité étudiante et j’étais plutôt altermondialiste, au syndicat Alter-Egaux »se remémore-t-il.

L’enfant du Périgord blanc souffle alors ses vingt bougies. Et vient, une première fois, de changer d’air en s’exilant cent trente kilomètres à l’ouest, pour étudier la sociologie à Bordeaux. « Mais je n’étais ni à l’UNEF (NDLR : Union nationale des étudiants de France), ni au PCF », s’amuse aujourd’hui Nicolas Bonnet Oulaldj. Militant loin de tout parti, ce fils de mécanicien et d’une sténodactylographe syndiquée grandit dans une France mitterrandienne qui s’éloigne peu à peu des classes populaires. La voix grave de Georges Marchais est « écoutée à la télé », mais sans plus. La Dordogne a beau être une terre de gauche, l’affiliation partisane attendra.

Apéros et collages de nuit

Plusieurs séjours d’études à Leeds ou Berkeley polissent le parcours politique de ce pur produit de l’université publique française. Jusqu’à « monter » à Paris, en 1998, pour suivre un master à la Sorbonne. Un premier emploi d’un an auprès de Marie-George Buffet, alors ministre des Sports, et la bascule se produit. « On voulait promouvoir le sport pour tous, et pas seulement les médailles aux Jeux olympiques ! », développe celui qui, suite à cette rencontre, adhère au Parti communiste, jusqu’à en devenir aujourd’hui le « Monsieur Sport ».

Il est ensuite propulsé au service des sports de la mairie communiste de Noisy-le-Sec, où il s’engage au moment des élections municipales de 2001. Une première expérience politique, pour celui qui, depuis, n’a cessé d’en vivre. « Il y avait plus de 500 adhérents, autant dire que je ne prenais pas la parole lors des assemblées générales ! », narre-t-il. Pêle-mêle, le néo-Francilien distribue des tracts, fait du porte-à-porte, vend L’Humanité au marché le dimanche matin. « On collait aussi beaucoup de nuit. On prenait l’apéro et un petit casse-croûte avant, ça faisait un peu ‘chasse au trésor’ » : le grand soir, le vrai.

« Ça faisait un peu « PCF de l’Est » ! »

On devine une certaine nostalgie dans ses yeux marrons. Lesquels s’écarquillent encore plus au souvenir d’une anecdote. « Je faisais du porte-à-porte avec un militant dont une partie du visage était paralysée, conte-t-il, hilare. Il tapait très fort et criait : « C’est le PCF ! ». Ça faisait un peu « PCF de l’Est ». Les gens étaient terrorisés ! » Cette image des régimes communistes autoritaires dans l’ex-bloc soviétique, tombé une décennie plus tôt, n’effraie pas Nicolas Bonnet Oulaldj.

Mieux, il prend ses aises dans le parti au fil des missions et, comme l’obligent les statuts du PCF, y reverse une partie de ses revenus. Après les municipales de 2001 à Noisy, vient la première campagne présidentielle avec Robert Hue, en 2002, pour un score de 3,4%. Des broutilles ou presque, pour celui qui avoue n’avoir jamais connu les communistes « vraiment dans l’opposition ». De son vivant, le PCF a toujours plafonné en-deçà des 15% à la présidentielle.

Nicolas Bonnet Oulaldj, à son domicile. (© Elio BONO / EDJ Sciences Po)

Cette fois-ci, pour la première fois depuis quinze ans, les communistes ont leur propre candidat. Le sourire sur le visage de Nicolas Bonnet Oulaldj au meeting de Fabien Roussel au Cirque d’Hiver, début mars, traduisait une certaine satisfaction de faire cavalier seul. Les campagnes 2012 et 2017 au soutien de Jean-Luc Mélenchon sont derrière lui. Mais même « très investi dans le Parti », il a joué le jeu du compromis, participant au programme sportif de l’actuel insoumis. « Le fait d’avoir Fabien Roussel qui nous représente, ça décuple notre engagement, savoure-t-il aujourd’hui. Nous nous sentons de nouveau nous-mêmes, fidèles à notre histoire et à nos valeurs ».

Devenu président du groupe communiste au Conseil de Paris en 2014, l’élu a, entre temps, pris du galon. « J’ai une responsabilité médiatique mais aussi dans les relations avec Anne Hidalgo », confie celui qu’il n’est pas rare d’entendre sur des plateaux de télévision. Tête de liste dans sa circonscription aux législatives en 2007 et 2017, il pourrait remettre le couvert en juin prochain. Et espérer que la dynamique présidentielle lui permette de rallier des soutiens dans ce XIIème arrondissement où La République en marche a rallié 56% des voix au second tour en 2017.

D’une élection à l’autre, Nicolas Bonnet Oulaldj se définit-il comme politicien ? À peine a-t-on le temps de poser le sujet qu’il s’excuse, après une bonne heure à narrer ses anecdotes. « Je suis désolé, je vais vraiment devoir y aller ». En cause, un rendez-vous chez le kiné avec sa fille de huit ans. « Allez, dépêche-toi, on doit prendre le bus jusqu’à Nation ! », lui lance-t-il. Pour une soirée au moins, la politique attendra.

Elio Bono

Image de tête : Twitter

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