FRACTURES. La plupart des candidats de droite à l’élection présidentielle, ainsi qu’Emmanuel Macron, veulent « remettre la France au travail ». Avec un argument souvent rebattu : les Français travailleraient moins que leurs voisins européens. Voici ce que disent les chiffres.
Cet article fait partie de la série Fractures, disponible en suivant ce lien
Dans la lettre qui a officialisé sa candidature à l’élection présidentielle, le 3 mars, Emmanuel Macron annonçait déjà la couleur : s’il est réélu, « il nous faudra travailler plus ». Cette déclaration n’a rien d’étonnant tant le président a répété, au cours de son quinquennat, que la « France est un pays qui travaille moins que les autres ».
Si elles doivent être prises avec prudence (voir la méthodologie), les données européennes semblent en partie confirmer ce constat. L’enquête d’Eurostat sur les forces de travail classe ainsi la France en queue de peloton parmi les pays de l’Union européenne (UE). Avec une moyenne de 38,1 heures travaillées par semaine en 2020, les salariés français à temps plein travaillent une heure de moins que la moyenne européenne. Ils font certes mieux que les Norvégiens, les Suédois et les Danois, mais sont devancés par tous les autres. A commencer par les Suisses, champions de la catégorie, avec une moyenne de 42 heures travaillées par semaine.
Si l’on prend en compte l’ensemble des salariés, et non pas seulement ceux qui travaillent à temps plein, la France se rapproche toutefois de la moyenne. Avec 35,5 heures de travail en moyenne en 2020, elle devance la Belgique (35,4), l’Allemagne (33,9) ou les Pays-Bas (31,2).
Cette différence s’explique notamment par la part des emplois à temps partiel dans l’emploi total : alors qu’un peu moins d’un salarié français sur cinq (17 %) exerçait son activité à mi-temps en 2020, cette part atteignait près de 25 % en Belgique et un peu moins de 28 % en Allemagne. Aux Pays-Bas, elle franchissait même la barre des 50 % (50,8 %).
Un taux record qui s’explique par un choix politique : « les Pays-Bas ont fait le choix de promouvoir le temps partiel pour lutter contre le chômage, dans une logique de partage du travail, depuis les années 1990, expliquait Christine Erhel, économiste au Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET), au Figaro en 2018. Cela correspond aussi à un modèle de société et d’organisation du temps pour équilibrer vie professionnelle et vie privée. »
Tendance à la baisse
Dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, le temps de travail hebdomadaire a chuté ces vingt dernières années. En France, la baisse a été particulièrement prononcée au tournant des années 2000 avec l’entrée en vigueur des 35 heures, introduites par la loi Aubry en 1998 et devenues obligatoires dans toutes les entreprises à partir de 2002. Dans l’UE, la baisse a été plus régulière, mais tout aussi nette : de 37,9 heures de travail hebdomadaire pour l’ensemble des salariés en 2002, la moyenne européenne a chuté à 35,8 heures en 2020.
Cette tendance n’a, a priori, pas vocation à s’inverser dans l’immédiat. « Le sens de l’histoire, c’est la réduction du temps de travail », a ainsi affirmé Yannick Jadot, sur RTL en février dernier. Le candidat écologiste à l’élection présidentielle est lui-même favorable – sous certaines conditions – à l’instauration de la semaine de quatre jours. Si aucun pays européen ne l’a généralisée pour l’instant, les expérimentations se multiplient sur le Vieux continent (ci-dessous). Avec des résultats encourageants : en Islande, les salariés qui ont participé à l’expérience se disaient moins stressés, moins fatigués et plus optimistes. Et cela, sans réelle baisse de la productivité des entreprises.
Méthodologie. Les données utilisées pour cet article sont majoritairement issues de l’enquête d’Eurostat sur les forces de travail en Europe. Les graphiques 1, 2 et 4 se fondent sur les données d’Eurostat concernant le nombre d’heures effectivement travaillées – qui tient compte des heures supplémentaires, et des diverses causes d’absences. Ces variables « ne sont pas rigoureusement comparables », avertit Eurostat, cité dans un article de Libération. En effet, « les résultats peuvent différer en raison des différences entre pays sur la façon de recueillir les temps d’absence ». Pour pallier ce biais, Eurostat a entrepris d’harmoniser les méthodes de collecte dans les différents pays partenaires, mais « cette réforme n’étant intervenue que début 2021 », les résultats ne sont pas encore connus, précise Libération dans son article.
Infographies et article par Pierre HARDY
Image de tête : Adobe Stock