La dynamique Roussel enrayée par le vote utile

EN CAMPAGNE. Jusque-là porté par des sondages flatteurs et une campagne globalement réussie, Fabien Roussel marque le pas. Rattrapés par le « vote utile », certains de ses soutiens communistes sont tentés de glisser un bulletin « Jean-Luc Mélenchon » dans l’urne ce dimanche.

Cet article fait partie de la série En Campagne, disponible en suivant ce lien.

Pour Fabien Roussel, les « Jours Heureux » connaissent des lendemains capricieux. Portée par un
engouement au début de l’année, la « Rousselmania » a fondu comme une noix de beurre sous un steak trop cuit. Le candidat communiste, crédité de 3% d’intentions de vote, n’avance plus dans
les sondages. Pire, il est désormais bloqué par l’appel au « vote utile » en faveur de Jean-Luc Mélenchon, candidat le mieux placé à gauche pour atteindre le second tour. « Quand on sacrifie ses convictions à l’entrée du bureau de vote, on ne les retrouve pas à la sortie », s’est défendu Fabien Roussel, lors de son dernier meeting à Lille. Mais rien n’y fait, de nombreux poids lourds de la gauche, dont Christiane Taubira, se rangent derrière le candidat insoumis.

Quelques jours plus tôt, Nicolas Bonnet-Oulaldj semblait passablement agacé par cet appel à voter Jean-Luc Mélenchon. « On a l’impression d’être au tiercé, que des chevaux ont une cote et qu’il faut parier sur la meilleure, a défendu le président du groupe communiste au Conseil de Paris lors de l’un des fameux “Apé’Roussel“ sur l’île Saint-Louis. On m’a demandé de voter Chirac contre Le Pen, Ségolène Royal contre Sarkozy, puis Macron contre Le Pen. Y’en a ras-le-bol ! » D’après le baromètre Ipsos-Steria pour Le Parisien et FranceInfo daté du 7 avril, 16,5% des électeurs envisagent de glisser un bulletin « Mélenchon » dans l’urne dimanche 10 avril. L’insoumis pointe à six longueurs de Marine Le Pen, virtuellement qualifiée pour le second tour, mais la dynamique frôle l’exponentielle : il a glané six points en trois semaines.

« On n’a pas besoin d’hologrammes ! »

Même si les Insoumis ont le vent en poupe, les communistes porteront leurs idées jusqu’au bout de cette première campagne depuis 2007. « En 2012 et 2017, j’ai milité pour Mélenchon. Et je regrette de l’avoir fait ! », fustige d’un air amer Yves, encarté au Parti depuis 47 ans. Croisé à la sortie d’une station de métro du IXème arrondissement, ce sexagénaire est emballé à l’idée de tracter, enfin, pour un candidat communiste. Une première depuis 2007. Il embraye sur le discours officiel du PCF : « Il n’y a pas de vote inutile et certainement pas celui pour Roussel ». Sa longue moustache blanche et son franc-parler rappellent à s’y méprendre André Chassaigne, l’une des figures communistes de l’Assemblée.

Jean-Luc Mélenchon, candidat de La France insoumise. (© ActuaLitté / Creative Commons)

Le député du Puy-de-Dôme est d’ailleurs vivement salué par Nicolas Bonnet-Oulaldj. « Il a réussi à adopter la retraite agricole à 1000 euros pour tous. C’est ça, le vote utile, pour 5 ans et pas pour une élection ! », justifie l’élu originaire du Périgord. Les communistes en opposition contre Mélenchon, vraiment ? « Je serais très content qu’il gagne et qu’on compose un gouvernement ensemble », jure Bonnet-Oulaldj, non sans fustiger un candidat « auto-désigné au vingt heures ». Dans son meeting du 10 mars au Cirque d’hiver, à Paris, Fabien Roussel n’a pas ménagé le chef de file de LFI. « On n’a pas besoin de faire des hologrammes ici, on est en chair et en os ! », a-t-il clamé, enchaînant les allers-retours entre l’intérieur et l’extérieur de la salle, où l’attendaient plusieurs centaines de sympathisants. « Beaucoup d’électeurs se disent “Heureusement que Fabien Roussel est là !“. On gagne des abstentionnistes déçus par le comportement de Jean-Luc Mélenchon », défend Nicolas Bonnet-Oulaldj.

Les communistes en ordre dispersé

Depuis un mois, les intentions de vote pour le PCF sont stables, aux alentours de 3,5%. « Le débat s’est structuré autour de l’Ukraine. À partir du moment où on parle moins des questions sociales, on marque moins de points », tente de justifier l’élu du XIIème arrondissement parisien. Les nouvelles intentions de votes en faveur de Jean-Luc Mélenchon ne proviennent pas toutes de sympathisants communistes, mais certains sont tout de même tentés par le vote utile.

Le siège du Parti communiste français, place du Colonel-Fabien. (©Guilhem VELLUT / Creative Commons)

Louise*, encartée au PCF en Île-de-France, et amenée à jouer un rôle lors de prochaines élections, va franchir le pas. « Déçue du vide sur le féminisme et l’écologie dans la campagne de Roussel », cette jeune étudiante a été convaincue par l’insoumis. « Des associations comme Osez le Féminisme ont dit que le programme de Mélenchon allait plus loin sur ce thème. Et le dernier rapport du GIEC a clairement enfoncé le clou », narre-t-elle. Le groupe d’experts pour le climat donne « trois ans » pour échapper au pire scénario concernant le réchauffement climatique. « Mélenchon est fort sur ce sujet-là », poursuit-elle.

Pour autant, Louise met un point d’honneur à dissocier vote et militantisme : son engagement au PCF n’est pas remis en cause. « Le 1er mai, on sera dans la rue avec le Parti. Mais c’est bien d’avoir le choix », justifie-t-elle, indiquant qu’une partie des militants de sa section francilienne va voter pour Jean-Luc Mélenchon. Même chez les communistes, le vote utile fait de la résistance.

*Le prénom a été modifié à la demande de l’intéressée.

Elio BONO

Image de tête : (© Zouhaïr NAKARA / Creative Commons)

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